Le tarot s’impose (même chez moi)

Chère lectrice, cher lecteur,

Il y a quelques temps, je rentrai chez moi vers minuit, après une journée intense. L’un de mes patients, que je suis depuis des années, était dans une condition telle que j’ai dû rester à son chevet fort tard.

C’est un genre de soirée un peu particulier… De celles où vous savez que vous allez être seul, à ne pas faire de bruit, à siroter un petit verre en essayant d’oublier un peu un travail qui est quelques fois assez dur.

Je ne m’attendais pas, au milieu d’une lumière tamisée, à voir ma femme et ma fille, ainsi que plusieurs de leurs amies, dans une ambiance un petit peu étrange…

Elles étaient en pleine lecture de tarot.

Chacune des femmes qui participaient avait, semble-t-il, des questions de la plus haute importance, dont seules les cartes (et la tireuse attitrée), avaient la réponse.

A les regarder, on avait l’impression que le destin des nations se jouait ! La troisième guerre mondiale à venir n’était qu’une broutille, un épiphénomène. Comme si rien d’autre n’existait que le destin révélé par les cartes. 

Les fils et les maris, les filles, les petits copains, les patrons, la vie intime des unes et des autres… tout ça voletait sous leurs yeux selon des considérations bien obscures et pour moi, il faut le dire, incompréhensibles.

Mais, toujours à mon plus grand étonnement, cet aperçu du destin paraissait non seulement rassurer ce petit convent improvisé, cet égrégore impromptu, mais aussi les amuser.

Les femmes ici présentes se sentaient investies d’un pouvoir de vision, et d’un sentiment accru de contrôle sur leur existence qui me parut bien exotique.

Quelque part, je dois le concéder, je me retrouvai malgré moi fasciné par tout ce mystère. Fasciné par leur fascination.

Pour l’homme que je suis, le monde est tout l’inverse de celui dessiné par le tarot. On ne bâtit que par le travail, et bien souvent, ça ne suffit pas. Au-delà, la seule règle, c’est qu’il n’y a pas de règle.

Alors que là, ma petite assemblée du jeudi soir était persuadée de sonder les mécanismes mêmes du destin !

Ce monde est devenu une énigme

Je ne suis guère versé dans l’ésotérisme, pour tout vous dire, mais je vois qu’en ce moment, il est partout.

C’est assez troublant, car la civilisation industrielle s’était efforcée de le chasser, de produire un monde rationnel, où l’humanité, par la science et la technique, maîtriserait la nature.

Hélas, le tragique moment que fut la Seconde Guerre Mondiale a montré que l’humanité peut vaciller au bord de l’abîme, si l’on combine l’ésotérisme avec le désir de puissance effréné que porte la puissance industrielle.

On a donc mis le mystère de côté, mais il est revenu en mai 1968, avec les hippies, leur côté cool, pacifiste. Certes, il a ensuite connu un moment de ringardise, mais il revient aujourd’hui en force.

Pourquoi ? A cause des techniques de communication.

A chaque révolution des techniques de communication, l’humanité doit s’affronter elle-même, jeter un regard dialectique, quantique sur elle-même. Bref : elle doit apprendre à mieux se maîtriser.

Avant-guerre, il y a eu la radio ; dans les années 60, c’était la télé ; et la révolution actuelle, ce sont les réseaux sociaux, qui ont mis 20 ans à faire trembler l’humanité sur ses bases.

Aujourd’hui, plus personne ne sait à quel saint se vouer, nous sommes saturés d’informations, nous ne savons plus où donner de la tête.

Et nous sommes devenus accros à l’excitation ou à la consolation que nous donnent des mini-programmes.

Ce qui ressort de tout cela, c’est que notre existence – autrefois établie sur des principes rationnels de prospérité, eux-mêmes appuyés sur la technique et la science – notre existence désormais nous échappe.

Et c’est encore pire quand on pense que la révolution technique que nous sommes en train de vivre, risque de détruire la plupart des emplois de service, qui ont eux-mêmes détruit la plupart des emplois industriels et agricoles…

Les fondements mystiques du tarot

On parle beaucoup de kabbale sans tellement comprendre ce que c’est, et il faut dire que ça alimente facilement les réseaux sociaux dits « complotistes » – c’est devenu un mot magique de connivence entre lecteurs superficiels. 

Il faut dire que la pandémie a causé un tel choc que tout le monde s’est mis à croire tout et n’importe quoi.

Il faut vraiment avoir une boussole pour savoir s’y retrouver dans tout le fatras de mensonge et de colère auquel on nous soumet toute la journée.

Et une boussole, c’est précisément ce que propose d’être le tarot.

Pour cela, il repose en bonne partie sur la kabbale, une forme d’ésotérisme juif, un courant qui s’est justement développé en Provence, ce qui n’est certainement pas étranger à l’existence du tarot « de Marseille ».

La kabbale ne se résume naturellement pas en quelques phrases, mais deux principes ressortent :

  • La numérologie, avec la correspondance entre lettres, nombres et sens de la vie
  • Les 11 formes que prend Dieu pour l’être humain, c’est-à-dire les 11 attributs de la divinité, qui correspondent également à des degrés d’initiation et donc à des phases de la vie humaine.

Le tarot reprend ces éléments de numérologie avec les valeurs, et y ajoute les visages de Dieu qui deviennent ici ceux du destin, avec les arcanes majeurs.

Il y en a 22, qui redoublent les attributs de la divinité, et ces figures peuvent elles-mêmes être lues de plusieurs façons différentes, plus en bien ou en mal selon leur position dans le tirage.

Facile à tirer, difficile à comprendre

Le tarot, quand il est tiré, est un symbole, c’est-à-dire un code composé de multiples signes. Soit ce symbole répond à une question précise, soit il illustre la vie de la personne qui a demandé à ce qu’on lui tire les cartes.

Comme tout symbole, il ne correspond pas à une réalité figée. Des symboles très simples (croix, étoile, svastika, faucille et marteau…) changent d’usage et d’interprétation d’une époque à une autre.

Il en va de même pour ce symbole fait d’un code qui représente la vie du consultant. Le tirage est censé représenter les forces à l’œuvre dans sa vie, celles qui sont dissimulées, celles qui sont manifestes, et les issues possibles…

D’où l’importance de la confiance entre le consultant et le consulté ! Le tireur de carte se retrouve quasiment avec une responsabilité égale à celle d’un thérapeute.

Donc si vous prêtez à cette croyance, il ne s’agit pas de la mettre entre n’importe quelle mains…

Même et surtout Mitterrand

Dans les moments difficiles, la foi est un besoin, c’est d’ailleurs pour ça que la religion existe toujours, alors qu’Auguste Comte annonçait sa fin programmée dès le début du XIXe siècle.

En Occident, la foi a pris différentes formes, mais elle ne s’est jamais vraiment émancipée de la divination. Il y a des prophètes dans la Bible, il y a eu Nostradamus, et il y a encore des prophéties chrétiennes en cours…

Les Romains, nous pères en presque tout, croyaient ardemment, sous la République, à leur divination. C’est notamment elle qui leur a permis la conquête de l’Occident. C’était le cœur de leur religion.

Mais ensuite, ils ont profané leur propre culte, abusant lors de leurs sacrifices pour obtenir des signes favorables, trichant avec leurs dieux, jusqu’à ce qu’ils s’en débarrassent. Quand c’est arrivé, leur civilisation a terminé de s’écrouler.

Et pourtant, l’haruspicine étrusque, la divination à la base de la religion romaine, a continué à être pratiquée jusqu’au début du moyen-âge, et elle aurait continué si l’Église ne l’avait pas réprimée.

Cette fascination régionale pas étrangère à l’essor du tarot, dont les premiers jeux venaient d’Italie – de Lombardie, à mi-chemin entre la Provence et la Toscane des Étrusques.

Même si nous ne prenons pas personnellement la divination au sérieux, il s’agit d’un fait de société tout à fait sérieux. Rares sont les dirigeants qui ne font appel ni la divination ni à la sorcellerie.

D’ailleurs, François Mitterrand est connu pour avoir eu recours aux deux !

Il prenait conseil auprès d’une voyante fort connue, Elisabeth Tessier[1], et s’était rendu avant son élection à Rennes-le-château, qui a la réputation d’être un lieu aux effluves diaboliques[2].

Quant à Jacques Chirac, il était connu pour consulter les marabouts du Sénégal et du Mali[3]

Mettre la raison de côté n’est pas sans risque

Ils sont de multiples sortes, mais le premier, évidemment, est de ne plus savoir sur quel pied danser. Avec l’ésotérisme, on dépend sans arrêt de l’autorité de quelqu’un d’autre.

Et si vous donnez trop de pouvoir à une personne, celle-ci ne manquera pas de se servir tôt ou tard de ce pouvoir que vous lui avez concédé, c’est humain.

S’il existe pléthore de mediums bienveillants, il faut savoir que la sensibilité mystique cause parfois des soucis de santé conséquents, surtout chez les femmes, et que cela se répercute sur leur entourage.

A trop fréquenter des personnes ayant ce type de sensibilité, on peut vite se sentir vampirisé, psychologiquement et physiquement.

Comme c’est aussi le cas avec la plupart des narcissiques, et qu’ils ont souvent une appétence pour l’occulte, il n’est pas toujours simple de les distinguer…

Quoi que l’on en pense, notre métier dit beaucoup de nous et de la place que nous nous donnons dans la société. Et cela vaut aussi pour les personnes qui ont un don, dont les cartomanciens.

Quelqu’un qui dépend du tarot pour vivre, dépend d’un système en perpétuel changement – à la façon des artistes qui veulent laisser un nom… mais aussi des joueurs professionnels.

Cela signifie risquer d’être dévoré par son art, ou de sombrer par manque d’inspiration. C’est une vie moins engageante qu’on pourrait le croire de prime abord.

Portez-vous bien,

Dr. Thierry Schmitz

Sources

[1] https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/0321a96834474b89d5bf874537c0d094.pdf

[2] https://rennes-le-chateau.org/index.php/le-site/laffaire-moderne-de-rlc/francois-mitterrand/

[3] https://www.lavie.fr/actualite/societe/chirac-lafricain-paradoxal-4289.php

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