La joie, c’est le goût 

Chère lectrice, cher lecteur,

Devez-vous vous fier à votre goût ? C’est une question que nous sommes tous en droit de nous poser. 

En principe, le goût permet de détecter certains dangers alimentaires auxquels nous faisons face depuis toujours : aliments rances, sinon pourris, ou encore toxiques. 

Mais de ce côté-là, il est évident que nous sommes bien moins doués que nos propres animaux domestiques, qui sont, pour leur part, dotés d’un odorat beaucoup plus fin, capable de reconnaître les dangers facilement. 

Qui sait ? C’est peut-être à force de déléguer cette tâche à nos animaux que nous avons perdu le flair, un sens que le goût ne fait que suppléer. 

Toujours est-il que notre appétence pour certains aliments peut nous être très nocive. 

Par exemple, aux temps préhistoriques, le sucré était très rare dans l’alimentation, et représentait une source d’énergie exceptionnelle. Il est aujourd’hui devenu aussi banal que dangereux. 

Quant aux remèdes, n’ont-ils pas, presque toujours, un goût amer ? 

Rares sont les personnes qui aiment vraiment l’huile de foie de morue, alors que ses apports nutritionnels sont pourtant exceptionnels…

Votre bouche ? Un labo d’alchimiste

Le goût, ce n’est pas seulement la langue, c’est aussi le nez. Donc les papilles gustatives marchent « main dans la main » avec les cellules olfactives. 

La salive joue également un rôle de premier plan. 

Sécrétée par les glandes salivaires qui se trouvent sous les oreilles, la langue et la mâchoire, elle dilue les substances qui donnent leur goût aux aliments. 

Ainsi, elle leur permet de s’infiltrer dans les papilles gustatives, qui sont des petites cavités disséminées dans la bouche et sur la langue. 

C’est ce qui fait que si vous manquez de salive, vous manquez aussi de goût. 

Au fond des papilles, il y a des récepteurs sensoriels, les « bourgeons du goût », directement connectés au cerveau par les nerfs. 

Pareillement, la bouche peut détecter la température (chaud ou frais), et le piquant. 

Lorsque vous mâchez, vos gencives vous informent précisément de la résistance que vous rencontrez, et donc de la texture de l’aliment. 

D’autre part, d’autres récepteurs analysent les consistances (grasse, humide, fondante, onctueuse). 

Le goût, c’est donc toute une alchimie qui se distille dans l’espace réduit de votre bouche !

20 000 parfums dans votre nez 

Votre nez peut distinguer plus de 20.000 parfums. Lorsque vous mâchez, les aliments sont chauffés et broyés. Il en émane des molécules odorantes qui remontent vers le nez par le palais. 

On appelle ce phénomène la rétro-olfaction. Elle en dit beaucoup plus sur ce que vous mangez qu’un simple reniflement. 

Voilà pourquoi il faut goûter le vin, voire même le faire glouglouter, pour en saisir tous les aromes. 

La distinction entre odorat et goût n’a pas été détectée dans le cerveau. Les nerfs de la langue et du nez se rejoignent à un premier relais nerveux avant que le cerveau n’en fasse une analyse plus poussée. 

L’harmonie court sur votre langue

Si les nuances du goût sont infinies, comme celles de la musique, il y a des types fondamentaux, comme les notes de musique. 

Vous les connaissez : le sucré, le salé, l’amer et l’acide. 

Les Japonais y ont ajouté une cinquième – l’umami, ou la sapidité, qui est une profondeur de goût que donne le glutamate, un acide aminé que l’on retrouve dès le lait maternel, mais aussi dans la viande, les champignons ou le parmesan. 

Enfin, certaines personnes ajoutent le gras comme 6e « note » gustative.

Longtemps, chacune de ces saveurs a été associée à une zone de la langue – le sucré sur la pointe, l’amer au fond, le salé sur les bords en avant, l’acide sur les bords en arrière. 

Cette « cartographie » n’est plus d’actualité, puisque, même si vous perdiez le bout de votre langue, vous pourriez toujours distinguer le sucré du salé ! 

Ces zones sont plus sensibles à certaines « notes » gustatives, mais elles ne sont pas les seules à les percevoir.

La survie, c’était le sucré et le gras (mais c’était avant)

Dans le goût, il y a une part d’inné et une part d’acquis. 

L’inné peut remonter très loin dans la chaîne de l’évolution, à des milliers, sinon des millions d’années en arrière. Quant à l’acquis, il remonte plus loin que nos propres souvenirs. 

Il y a ensuite la façon dont nous décidons de manger qui nous conditionne tout au long de notre vie. 

Le sucre nous attire naturellement, de même que le gras. Il semblerait que le sucre ait jadis moins intéressé les adultes – plus les enfants et les personnes âgées. 

Mais maintenant que le sucre est partout, il est inévitable à tout âge. 

Le sucre représentait pour nos ancêtres lointains une source d’énergie incroyable, d’où le goût que nous avons développé pour lui — et les risques que les hommes préhistoriques devaient prendre pour récolter le miel !

Pareillement, le gras est universellement apprécié. Notre espèce a évolué fortement pendant les ères glaciaires, où la survie devenait radicalement plus difficile. 

Se procurer du gras, c’était survivre – et nos corps ne l’ont pas oublié. 

Mais ces appétits sont devenus handicapants désormais, dans une société où l’on peut fabriquer de la nourriture grasse et sucrée à volonté – c’est là le succès des restaurants fast food, et de la junk food qu’ils produisent.

D’où l’épidémie d’obésité qui s’est répandue à travers le monde… 

Et puis, que nous le voulions ou non, notre patrimoine génétique nous influence. 

Par exemple, une étude de 2003 a mis en lumière que la sensibilité à l’amertume du brocoli se trouvait sur le chromosome 7. 

Les personnes les plus sensibles à cette substance, le 6-N-propylthiouracil, n’aiment ni le café, ni le thé vert, ni le piment, ni le pamplemousse, les aliments trop gras ou le goût de la nicotine ! 

Mais ce n’est pas aussi radical qu’il n’y paraît. Dans vos propres gènes, il y a 5 niveaux de sensibilité différents. Comme quoi, la subtilité de nos goûts est inscrite jusqu’au plus profond de votre être ! 

Cultiver votre goût, c’est vital !

Dans les pays francophones, il y a une culture du goût très importante, qui fait que les enfants sont éduqués à une alimentation sophistiquée dès leur plus jeune âge. 

On a même vu, en France, l’État prendre le relais, devant un risque de déséducation au goût causée par les succès de la restauration rapide. 

Car le goût, ce n’est pas qu’une tradition, c’est aussi des emplois !

Apprécier la bonne nourriture est d’ailleurs à la base de la culture. Et avoir du goût dépasse largement le seul cadre culinaire. Mais ça commence par ça ! 

Cultiver notre goût nous permet de faire la différence entre les aliments de bonne et de mauvaise qualité. La junk food, pleine de sucres de gras et de sel, ne tente guère les palais les plus fins… 

Ainsi, avoir du goût vous permet d’éviter les nourritures les plus nocives pour le corps : mauvaises charcuteries, mauvaises sucreries, mauvaises graisses (huile de palme ou hydrogénée). 

Mais cela signifie-t-il qu’éduquer notre goût nous rende en meilleure santé ? Hélas, ce n’est pas une certitude !

Car ceux qui aiment bien manger, qui sont très attentifs aux saveurs, aiment aussi manger souvent, et parfois même beaucoup ! Savoir apprécier un bon fromage, c’est aussi nous le rendre irrésistible ! 

Or même d’excellents fromages, les charcuteries les plus fines, les sauces les plus onctueuses, les pâtisseries les plus délicates, ne font pas l’alimentation la plus saine… 

Goût et santé : la convergence !

Si vous pouvez cultiver votre goût, vous pouvez aussi contrôler votre satiété, et ne pas tomber dans des fringales nocives pour votre santé. 

Dans le domaine du goût plus que dans tous les autres, le cerveau se révèle exceptionnellement plastique.

D’ailleurs, malgré des analyses extrêmement poussées, les neuro-scientifiques n’ont pas trouvé dans quelle partie du cerveau se trouve exactement le goût. 

Le goût résonne en fait dans un réseau de neurones qui s’étend sur plusieurs régions du cerveau et qui change d’une personne à l’autre, selon sa génétique et son évolution personnelle. 

Cela veut dire que malgré la part innée du goût, l’acquis est très important, et que vous pouvez orienter votre goût. 

Ainsi, vous pouvez apprendre à apprécier des saveurs inédites, et vous passer de mets que vous trouvez succulents, s’ils causent du tort à votre santé. 

Il faut savoir mêler la discipline et le plaisir, l’austérité et les excès, pour qu’en fin de compte, vous arriviez à trouver un équilibre entre la santé et la bonne humeur. 

Non seulement c’est possible, mais beaucoup y arrivent !

Portez-vous bien,

Dr. Thierry Schmitz

Sources

7 commentaires sur “La joie, c’est le goût 

  1. Bonjour Docteur Schmitz,
    Mon problème est tout autre , j’ai perdu l’odorat et le gout des aliments il y a quelques années.C’est une souffrance importante au quotidien , j’avais ces sens très développés . J’ai essayé diverses méthodes , sans réel succès .
    Je vous remercie pour vos très nombreux messages , que je lie avec intérêt .

  2. Bonjour
    C’est toujours avec grand plaisir que je lis vos articles expliqués d’une façon simple et sans mesure draconienne. En lisant ces articles, on a vraiment envie de les appliquer et je vous dis un grand merci.
    Je suis certaine que énormément de personnes tiennent compte
    de vos précieux conseils.
    Merci à vous
    Simone

  3. question difficile je crois : quelles sont les raisons qui peuvent occasionner le manque
    total du goût (maladies, âge et même – ventilateur !) .? Celà est mon cas : 84 ans, j’ai
    eu le COVID malgré la vaccination, et puis exposition au ventilateur… et depuis pas
    seulement la perte du goût, mais difficultés et douleurs pour mâcher et avaler. Seul
    remède pas très efficace : le brossage des dents. Dentiste, ORL n’ont aucune solution,
    pas plus que mon médecin traitant. C’est l’enfer…. Merci Docteur.

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